24 mai 2019 | International, Aérospatial, Naval, Terrestre, C4ISR, Sécurité, Autre défense

Europe de la défense: entre Paris et Berlin, des ambitions et de la méfiance

Char, avion de combat du futur: Paris et Berlin travaillent sur d'ambitieux projets industriels communs dans la défense, mais les rapports restent teintés de méfiance et marqués par des divergences de vue autour de la question des exportations d'armement.

Face au Brexit, au rel'chement des liens transatlantiques sous l'ère Trump, et malgré une mauvaise passe dans la relation franco-allemande, Emmanuel Macron a fait de l'Europe de la défense l'un de ses grands chevaux de bataille, qui figure en bonne place dans le programme des candidats de son camp aux élections européennes de dimanche.

Réunis par un même besoin de renouveler leurs capacités militaires à horizon 2035-2040, Français et Allemands ont convenu à l'été 2017 de développer main dans la main deux programmes d'équipements majeurs: le système de combat aérien du futur (SCAF), sous leadership du français Dassault, pour remplacer les Rafale et les Typhoon, et le char de combat du futur ayant vocation à remplacer les Leclerc et les Lepoard, sous leadership allemand.

Concernant le SCAF, dont le premier contrat d'architecture a été notifié à Dassault et Airbus en janvier, Paris et Berlin comptent annoncer "cet été" le lancement des études de recherche et développement destinées à jeter les bases des démonstrateurs, pour un montant de 150 millions d'euros sur deux ans, selon des sources concordantes.

- pas d'annonce au Bourget? -

Il n'est toutefois pas certain que l'annonce soit faite mi-juin au salon aéronautique du Bourget comme initialement prévu, admet Paris.

Objectif: développer un démonstrateur d'ici 2026 -- pour un coût estimé entre 2 et 3 milliards d'euros -- avant une entrée en service en 2040 de ce système associant avion de combat, drones, futurs missiles de croisière et drones évoluant en essaim.

Pour le char, "les industriels préparent une offre pour l'étude d'architecture à horizon de l'été", indique-t-on de source gouvernementale française.

Pour continuer à avancer, reste à venir à bout des inquiétudes et grincements de dents de part et d'autre du Rhin.

Parmi les motifs de friction figure le partage des compétences de pointe censées alimenter ces grands programmes communs d'armement.

En France, où le groupe Dassault a conduit seul le programme-phare du Rafale, certains ne cachent pas leur méfiance. "Il ne faudrait pas que les Allemands profitent de cette coopération pour chiper notre savoir-faire stratégique", glisse-t-on de source proche du dossier.

En Allemagne, des parlementaires de la coalition au pouvoir reprochent au gouvernement d'Angela Merkel d'avoir mal négocié la répartition industrielle du projet SCAF et critiquent les exigences françaises en matière de propriété intellectuelle, affirme jeudi le quotidien allemand Die Welt.

"Au regard des enjeux industriels et économiques du projet, j'attends de Mme Merkel et de Mme von der Leyen (ministre allemande de la Défense) qu'elles prennent en main ce dossier et en fassent une priorité, comme l'a fait le président Macron", déclare au journal le responsable défense du parti social-démocrate allemand (SPD), Thomas Hitschler.

- ventes d'armes aux Saoudiens -

"Des débats sur le partage des technologies, les questions de propriété intellectuelle peuvent exister mais ils sont en train de se résoudre. C'est normal que ça tiraille, derrière il y a des enjeux financiers et de compétences industrielles", relativise-t-on à Paris, où l'on préfère vanter "la rapidité" avec laquelle un projet de cette ampleur s'est mis en route.

Autre obstacle à franchir: la question des conditions d'exportation des armements, objet de frictions ouvertes entre Paris et Berlin.

Depuis l'assassinat fin 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, le gouvernement allemand a décidé de geler les exports d?armes à destination de l'Arabie Saoudite, client controversé de l'industrie française de défense.

Une décision vertement critiquée par Emmanuel Macron, puis par l'ambassadrice de France en Allemagne, qui a déploré fin mars "la politisation croissante du débat allemand sur les exportations d'armements", susceptible selon elle de "faire peser un risque sur la coopération de défense européenne".

"On ne peut pas se mettre d'accord sur des projets d'une telle envergure sans trouver une position commune sur les conditions d'exportation", renchérit un haut responsable français.

Or le sujet est politiquement ultra-sensible en Allemagne. "L'opinion publique allemande est vent debout contre les exports d'armement. Quel est l'homme politique allemand qui se risquera à aller contre ça?", souligne Gaëlle Winter, chercheuse associée à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

Paris accuse en outre Berlin de pratiquer un double jeu en feignant d'ignorer la livraison d'armement à Ryad par l'industriel allemand Rheinmetall, via ses filiales à l'étranger.

"J'entends dans certaines capitales les protestations de vertus offusquées lorsqu'il s'agit d'exportations françaises, mais j'observe que les mêmes responsables ignorent volontiers ce que font les filiales ou les joint ventures de leurs champions nationaux de l'armement", s'est récemment agacée la ministre française des Armées Florence Parly.

Sollicité par l'AFP, le ministère allemand de la Défense n'a pas donné suite.

https://www.courrierinternational.com/depeche/europe-de-la-defense-entre-paris-et-berlin-des-ambitions-et-de-la-mefiance.afp.com.20190523.doc.1gt4y7.xml

Sur le même sujet

  • La France commande 367 nouveaux missiles air-air à MBDA

    19 mars 2021 | International, Aérospatial

    La France commande 367 nouveaux missiles air-air à MBDA

    Le ministère des Armées a annoncé, jeudi 18 mars, la commande à MBDA de 367 missiles air-air de nouvelle génération Mica NG, dans le cadre d'un programme de 1,8 milliard d'euros. Les missiles, commandés le 5 mars par la Direction générale de l'armement (DGA), seront livrables entre 2028 et 2031. Ils remplaceront les missiles Mica et permettront notamment d'allonger la capacité d'interception à moyenne distance des avions de combat Rafale. Ne comportant pas de composants américains, ils ne sont pas tributaires de la législation Itar, qui impose l'autorisation des Etats-Unis pour l'exportation. Le ministère des Armées avait déjà commandé 200 Mica NG fin 2018, qui seront livrés à partir de 2026, rappelle Le Figaro. Le Figaro du 19 mars

  • Lockheed scores US Army contract for major electronic warfare, intel and cyber platform

    28 septembre 2021 | International, Aérospatial, C4ISR, Sécurité

    Lockheed scores US Army contract for major electronic warfare, intel and cyber platform

    The contract will support additional prototyping and proof of concept for the Terrestrial Layer System-Brigade Combat Team.

  • Vers une commande massive de F-16 Block 70/72 par le Pentagone ? Lockheed perd... et gagne

    8 février 2021 | International, Aérospatial

    Vers une commande massive de F-16 Block 70/72 par le Pentagone ? Lockheed perd... et gagne

    Yannick Genty-Boudry Alors que le Pentagone n'a eu de cesse d'expliquer que les avions de 4e génération étaient dépassés, il semble que ceux-ci n'ont pas dit leur dernier mot. A l'instar du F-15EX qui a effectué son premier vol le 2 février 2021, le F-16 dans sa nouvelle version Block 70/72, attire de nouveau l'œil des aviateurs américains. LE F-35 DANS L'IMPASSE Plus de 47 ans après son premier vol (2 février 1974) le F-16, qui équipe plus de 29 forces aériennes dans le monde et a été produit à plus de 4588 appareils, pourrait connaitre une nouvelle carrière au sein de l'US Air Force. Et ce plus de 16 ans après la livraison du dernier appareil. En effet, son remplaçant programmé, le F-35 accumule les échecs et les retards, avec 871 défaillances selon les auditeurs du Pentagone. Une situation qui provoque l'explosion des coûts d'exploitation, au point que l'US Air Force envisagerait de réduire sa commande à 1050 appareils au lieu des 1765 prévus. EN ATTENDANT LE NGAD Aussi pour ne pas pénaliser son ordre de bataille, les Américains sont en quête de solutions palliatives au F-35. A savoir des aéronefs fiables, aux coûts maitrisés et à l'architecture ouverte en attendant l'arrivée à partir de 2040-50 de l'avion de 6e génération, le NGAD (Next Generation Air Dominance), qui vient d'effectuer ses premiers essais. C'est la même logique qui a présidé au programme F-15EX dans le domaine de la supériorité aérienne, pour suppléer au faible nombre de F-22 en service. SOLUTION SUR ETAGERE Et il s'avère que Lockheed et ses équipementiers General Dynamics et Northrop poussent progressivement le Pentagone vers l'acquisition d'une nouvelle version F-16 Block 70/72, destinée à l'origine aux marchés exports (neuf et modernisation), au moment où le budget 2021 prévoit une enveloppe de 56,9 G$ pour l'acquisition d'avions de combat. D'ailleurs les marchés anticipent d'ores et déjà la hausse du titre des industriels concernés. Produit depuis novembre 2019 à Greenville, et après plusieurs succès commerciaux (Taiwan, Bahrein ...), le F-16 Block 70/72 intègre plusieurs technologies directement empruntées aux appareils de cinquième génération. Comme le radar AESA APG-83 SABR (dérivé de l'APG-77 du F-22, et de l'APG-81 du F-35) qui équipe également les B1-B modernisés, et les F/A-18C des Marines basés à Miramar. Mais il dispose également de nouvelles aérostructures à la furtivité accrue (réservoirs conformes), d'un nouveau système de guerre électronique apte au combat collaboratif, et d'une avionique offrant des fonctionnalités de fusion de données (radar, pod de désignation) pour l'attaque au sol, avec le Center Pedestal Display (CPD). Cette version qui permettrait donc d'intégrer des capacités de 5e génération sur des appareils de 4e génération, à l'image du prochain standard F4 du Rafale de Dassault, intéresse de plus en plus l'état-major américain, en quête d'un aéronef omni rôle capable de soutenir efficacement et à bas couts les forces américaines alors que Russes et surtout Chinois se sont engagés dans une stratégie d'attaque par saturation et de systèmes de contre furtivité, pour déborder les F-22 et les F-35. https://www.air-cosmos.com/article/vers-une-commande-massive-de-f-16-block-70-72-par-le-pentagone-lockheed-perd-et-gagne-24173

Toutes les nouvelles