23 mai 2019 | International, Aérospatial, Naval, Terrestre, C4ISR, Sécurité, Autre défense

Entretiens européens de la défense 2019 (1) : une ‘grand strategy’ pour l’Europe (J. Howorth)

(B2) L'Union européenne doit reconsidérer sa relation avec les Etats-Unis et l'OTAN pour faire émerger une stratégie de défense européenne. C'est ce qu'a défendu Jolyon Howorth, professeur émérite à la Harvard Kennedy School, durant les seconds entretiens européens de la défense à Paris jeudi (16 mai)

Face à la création d'une armée européenne, trois obstacles...

Les Américains s'inquiètent des conséquences d'une défense européenne pour leur leadership. Les Britanniques jouent l'ambivalence pour ne pas froisser les États-Unis. Les Européens peinent à se mettre d'accord sur la marche à suivre. Trois obstacles qui ont fait « échouer » les deux premières tentatives de forger une armée européenne, la Communauté Européenne de Défense (CED) dans les années 1950 et la première version de la politique de défense (la PESD ou politique européenne de sécurité et de défense) à la fin des années 1990 début 2000, et qui continuent à freiner les nouvelles initiatives.

Les Américains, d'accord sur le principe d'une défense européenne

Les Américains, souvent critiqués pour le retard que prennent les initiatives européennes en matière de défense, n'étaient pas toujours défavorables à l'idée et ne s'y « opposent pas par principe, au contraire ». Mais une question les taraude, celle des « conséquences pour le leadership de l'Alliance, voire pour son avenir » si une défense européenne crédible devait se former. D'où l'ambivalence des États-Unis sur cette idée que Eisenhower regardait pourtant en 1951 comme un des objectifs de l'Alliance, idée légitimée par les multiples injonctions américaines à augmenter les budgets européens de défense. Cette position confuse s'inscrit dans le débat existentiel qu'est la définition de la prochaine « grand strategyaméricaine », explique Jolyon Howorth.

... mais des inquiétudes subsistent sur leur leadership au sein de l'Alliance

Après « quarante ans de leadership incontesté des alliés européens », le courant « liberal hegemon » qui définit la politique des Etats-Unis depuis longtemps se voit contester par les partisans de « l'offshore balancing ». Lesquels prônent un repli américain sur « un nombre fort limité de bases stratégiques » et un « transfert aux Européens de la responsabilité principale de leur propre sécurité ». La question reste ouverte alors que Donald Trump « semble s'y associer », sans toutefois « comprendre un instant le sens profond de ce débat stratégique ».

Les Britanniques, réfractaires à toute intégration européenne

Les Britanniques ont été, eux, « beaucoup plus réfractaires que les Américains au projet dès le début ». Et ils continueront de « freiner l'avancée des Européens vers une autonomie stratégique », rendant l'axe Paris-Berlin « d'autant plus urgent ». La vision britannique est celle d'une sécurité européenne b'tie sur une « clé de voûte » : l'OTAN. Les Européens étant simplement relégués à un rôle « complémentaire ». C'est pourquoi « Londres a bloqué toute avancée » qui aurait pu mener à une armée européenne tout en réclamant pourtant « à cor et à cri » un « engagement inconditionnel » à la sécurité européenne, selon le professeur, lui-même British. Pourtant fermement soutenue par Winston Churchill dès le début, la défense européenne a vite inquiété outre-Manche, le Royaume-Uni anxieux de « préserver le partenariat avec les États-Unis ». Le pays avait par exemple refusé la CED dès 1953, craignant que « le succès de l'armée européenne n'entraîne le désengagement américain ».

Les Européens indécis et divisés

Mais au final, les Européens sont leurs propres ennemis. Les divisions nationales sur la manière de construire l'Europe persistent et se retrouvent, « de façon profonde, au sein des familles politiques ». Mais avec le nouveau contexte géostratégique, de plus en plus complexe et multidimensionnel, « l'Union européenne ne peut plus se permettre le luxe de ses divisions internes ». Il faut repenser notre stratégie pour « passer de l'Europe de la défense, à la défense de l'Europe ». Ces divisions cristallisent l'opposition entre « l'intégrationnisme » prôné par Monnet et « l'intergouvernementalisme », selon le modèle gaullien. La politique de sécurité et de défense commune (PSDC) a, depuis Saint-Malo, et la déclaration franco-britannique de 1998, été développée dans le cadre de ce dernier, un modèle « de plus en plus mis en question ». Les dernières évolutions en matière de défense nous placent à nouveau « face à la confrontation de ces deux méthodologies contradictoires ».

Trois défis majeurs aujourd'hui

Définir une stratégie européenne propre

Il faut développer une « grand strategy » à l'européenne martèle Jolyon Howorth. L'un des problèmes fondamentaux de la première version de la PSDC fut son « manque d'ambition » par « crainte de froisser » les Américains. Pourtant, « la seule ambition qui vaille pour l'Union européenne est d'assumer sa propre défense collective ». Et donc d'arrêter de penser qu'il est impossible pour l'Europe de se défendre sans le soutien américain. Et il faut « pouvoir s'adapter à la nouvelle donne planétaire ». « Après Trump, il n'y aura pas de retour à la case départ ».

À quel prix

« L'armée européenne ne s'achètera pas parmi les soldes de chez Tati ». Les États membres de l'OTAN ont dépensé « 264 milliards de dollars » sur les questions de défense en 2018. Si tous les pays avaient atteint l'objectif fixé par l'OTAN de 2% du PIB, cela aurait majoré la somme de « près de 102 milliards de dollars ». Mais une armée européenne autonome pourrait représenter jusqu'à « 467 milliards de dollars supplémentaires » rappelle l'universitaire, se basant sur une étude récente du International Institute for Security Studies (IISS) qui fait l'hypothèse d'un retrait américain d'Europe. Un engagement conséquent donc.

Et avec qui ?

Si beaucoup pensent que l'armée européenne sera forgée « à l'extérieur de l'OTAN, sans les Américains, voire contre », Jolyon Howorth n'en est pas persuadé. Une armée européenne ne doit pas être construite contre les Américains, mais « en bonne intelligence avec eux ». Car l'Alliance ne va pas se dissoudre de sitôt. Et elle peut avoir un rôle moteur alors qu'il existe actuellement « quatre-vingt projets de coopération » entre l'OTAN et l'UE, et que les Américains « n'arrêtent pas de nous demander des efforts accrus, de nous encourager à assumer le leadership stratégique dans notre voisinage ». Il faudrait plutôt revenir au scénario initial : une alliance « rééquilibrée » dans laquelle les Européens « prennent graduellement la part du lion » et les Américains jouent « le rôle de facilitateurs ». Pour former une alliance qui ne soit pas « structurée par la dépendance, encore moins par la servitude ».

(Coline Traverson st.)

https://www.bruxelles2.eu/2019/05/23/entretiens-europeens-de-la-defense-2019-une-grand-strategy-pour-leurope-j-howorth/

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We're eager to deliver the aircraft to the Air Force in support of Air Combat Command's (ACC) development of operational tactics and standards for exportable, tactical networks that improve interoperability with international partners.” This acquisition enables the U.S. Air Force to leverage a commercial off-the-shelf, non-developmental integrated weapons system to equip a multi-national coalition with a common system that meets a wide array of training and operational requirements. An affordable solution, the AT-6 cost per flying hour is less than $1,000 and its small maintenance footprint — as demonstrated during both phases of the Light Attack experiment — underscore the aircraft's cost-effectiveness, deployability and sustainability. “Our focus is on how a light attack aircraft can help our allies and partners as they confront violent extremism and conduct operations within their borders,” said Air Force Chief of Staff Gen. David L. Goldfein in a U.S. Air Force press release published upon the issuance of the request for proposal. “Continuing this experiment, using the authorities Congress has provided, gives us the opportunity to put a small number of aircraft through the paces and work with partner nations on ways in which smaller, affordable aircraft like these can support their air forces.” ACC will experiment with the AT-6 to further examine the ways in which a common architecture and intelligence-sharing network will connect platforms, sensors and weapons and deliver a digital network for light attack aircraft. “It's rewarding to equip U.S. and partner nations with an affordable, easy to maintain and highly effective tactical aircraft in this era of constrained military budgets,” Pierson added. “The U.S. Air Force and Navy flew the AT-6 during the Light Attack experiment, putting its combat-proven A-10 mission computer, Wescam MX-15 EO/IR sensor, Airborne Extensible Relay Over-Horizon Network (AERONet) and other capabilities to work, employing a substantial amount of ordnance, demonstrating aircrew re-fueling and re-arming at the Forward Arming and Refueling Point (FARP) and conducting other activities in support of experiment objectives. The AT-6 met all of the experiment's standards and proved itself as a high performance, austere field-capable aircraft that delivers unparalleled mission capability, deployability and sustainability.” About the Beechcraft AT-6 Wolverine The Beechcraft AT-6 Wolverine multi-role turboprop delivers the greatest level of mission configurability, the most advanced ISR technology and the utmost deployability and sustainability. The AT-6 equips operators worldwide with an unparalleled value, ease of training, logistics efficiencies and 85 percent parts commonality with the Beechcraft T-6 Texan II. The AT-6 Wolverine will enter into service at Nellis AFB, Nevada for follow-on light attack experiments by U.S. Air Force, U.S. Marine Corps and partner countries and is available to its sister business unit, Airborne Tactical Advantage Company (ATAC), for contracted air services under the U.S. Navy's Terminal Attack Controller Trainer (TACT) program for live-air training of forward air controllers (FACs), joint terminal attack controllers (JTACs) and forward air controllers (airborne) at NAS Fallon, Nevada. The AT-6 Wolverine features 35 weapons configurations that fulfill SOCOM Armed Overwatch requirements for Close Air Support (CAS), Armed Intelligence, Surveillance & Reconnaissance (ISR), Strike Coordination & Reconnaissance (SCAR), and Forward Air Control (Airborne) (FAC(A)). ### About Textron Aviation Defense LLC When military customers need airborne solutions for their critical missions, they turn to Textron Aviation Defense. With a legacy of thousands of proven Integrated Training Systems (ITS) Integrated Weapon Systems (IWS) produced and missionized in America's Heartland since WWII, the family of Textron aircraft equip militaries worldwide with the lowest acquisition, sustainment and training costs on the market. Provider of the world's leading military flight trainer, the Beechcraft T-6 Texan II fleet of nearly 1,000 aircraft has logged more than 3.3 million hours across nearly a dozen countries worldwide since 2001. Purpose-built for light attack, Close Air Support (CAS), Precision Strike, and SOF Intelligence, Surveillance & Reconnaissance (ISR) in austere and permissive environments, the Beechcraft AT-6 Wolverine turboprop meets the full spectrum of U.S. Air Force Light Attack Aircraft requirements while delivering the greatest level of mission configurability, the most advanced ISR technology and the world's most cost-effective solution combining proven systems from the A-10C, F-16 and T-6 with commercial off-the-shelf components designed to drive down acquisition and total lifecycle costs. The open architecture Scorpion jet's unparalleled low acquisition, operating and training costs equip our warfighters with exceptional mission readiness, an 85-cubic ft payload bay, multi-spectral enhanced targeting, manned/unmanned teaming (MUM-T), cost-effective testbed capabilities and a full array of DoD-proven precision and general-purpose munitions with limitless possibilities. Textron Aviation's innovative technologies and advanced engineering techniques equip military customers worldwide with the performance, reliability and technological advantage they expect from an industry leader, all backed by proven training programs and the most capable global logistics infrastructure. Visit defense.txtav.com and scorpionjet.com About Textron Aviation Inc. Textron Aviation Inc. is the leading general aviation authority and home to the Beechcraft, Cessna and Hawker brands, which account for more than half of all general aviation aircraft flying. The Textron Aviation brands represent unrivaled innovation, performance and leadership in the industry, and offer an unmatched value proposition rooted in the total ownership experience. Leveraging unparalleled speed-to-market, Textron Aviation provides the most versatile and comprehensive business and general aviation product portfolio in the world through five principal lines of business: business jets, general aviation and special mission turboprop aircraft, high performance piston aircraft, military trainer and defense aircraft and a complete global customer service organization. Textron Aviation has delivered more than 250,000 aircraft in over 170 countries. Its broad range of products include such best-selling aircraft as Citation business jets, King Air and Caravan turboprops and T-6 military trainer aircraft, all of which are backed by the industry's most capable global service network. For more information, visit www.txtav.com About Textron Inc. Textron Inc. is a multi-industry company that leverages its global network of aircraft, defense, industrial and finance businesses to provide customers with innovative solutions and services. Textron is known around the world for its powerful brands such as Bell, Cessna, Beechcraft, Hawker, Jacobsen, Kautex, Lycoming, E-Z-GO, Arctic Cat, Textron Systems, and TRU Simulation + Training. For more information, visit: www.textron.com. Certain statements in this press release are forward-looking statements which may project revenues or describe strategies, goals, outlook or other non-historical matters; these statements speak only as of the date on which they are made, and we undertake no obligation to update or revise any forward-looking statements. These statements are subject to known and unknown risks, uncertainties, and other factors that may cause our actual results to differ materially from those expressed or implied by such forward-looking statements, including, but not limited to, changing priorities or reductions in the U.S. Government defense budget, including those related to military operations in foreign countries; changes in worldwide economic or political conditions that impact demand for our products, interest rates or foreign exchange rates; our ability to perform as anticipated and to control costs under contracts with the U.S. Government; the U.S. Government's ability to unilaterally modify or terminate its contracts with us for the U.S. Government's convenience or for our failure to perform, to change applicable procurement and accounting policies, or, under certain circumstances, to withhold payment or suspend or debar us as a contractor eligible to receive future contract awards; changes in foreign military funding priorities or budget constraints and determinations, or changes in government regulations or policies on the export and import of military products. 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