Back to news

March 1, 2019 | International, Aerospace, Land, C4ISR

Grand entretien avec Joël Barre, délégué général pour l'armement

ANNE BAUER

« Le spatial devient un champ de confrontation potentiel »

« La course à l'armement a bel et bien repris », a affirmé Florence Parly lors des voeux aux armées. Partagez-vous ce constat ?

Avec une remontée en puissance des moyens à 295 milliards d'euros sur la période 2019-2025, la loi de programmation militaire promulguée en juillet dernier répond aux conclusions de la revue stratégique menée pendant l'été 2017. Celle-ci identifiait un renforcement des menaces, tant du côté du terrorisme que des stratégies de puissance des grandes nations, lesquelles investissent massivement dans les technologies de rupture. Plutôt que d'une course aux armements, je parlerais surtout d'une dynamique liée à l'apparition de technologies sur lesquelles il faut s'interroger.

Quelles sont-elles ?

On peut par exemple mentionner le planeur hypersonique évoqué par la ministre des Armées, Florence Parly. Actuellement, l'armée française est capable de pénétrer les systèmes de défense ennemis avec des dispositifs conventionnels, tels que des missiles de croisière, mais elle n'a pas de capacité hypersonique. Nous devons faire preuve d'anticipation et étudier cette technologie.

La DGA a dans ce cadre notifié un contrat d'études à ArianeGroup, qui s'appuiera sur les recherches de l'Onera, pour réaliser un prototype de planeur hypersonique à l'horizon de 2021. Envoyé par une fusée-sonde, le planeur non propulsé doit ensuite rebondir sur les couches de l'atmosphère à une vitesse supérieure à Mach 5.

Face à la prolifération des missiles de longue portée, les Européens ont-ils conservé leurs capacités d'intervention ?

Oui, bien sûr. On l'a démontré en Syrie avec l'opération Hamilton de bombardement des caches chimiques en avril 2018. Nos opérations au Levant nous ont d'ailleurs permis de mesurer les progrès des défenses russes. Logiquement, les défenses s'améliorent dans le temps et il faut s'y préparer. La Chine et la Russie auraient mené des premières expériences sur la technologie hypersonique, mais l'enjeu se pose à l'horizon 2030-2040.

Est-il exact qu'avec ce bond hypersonique n'importe quel point du globe pourrait être atteint en moins d'une heure ?

On n'en est pas là. Le premier démonstrateur doit servir à évaluer les capacités de ces technologies et à étudier comment les maîtriser. Maîtriser la manoeuvrabilité à très grande vitesse dans des couches de la basse atmosphère exige d'inventer un nouveau système de guidage et de trouver de nouveaux matériaux résistant à la chaleur, ce qui pose d'immenses défis.

L'intelligence artificielle va-t-elle bouleverser la défense ?

L'IA est d'abord un facteur d'augmentation des capacités des systèmes d'armes existants pour permettre aux soldats de gagner en performance, précision et protection. Par exemple, les développements autour du « Man Machine Teaming » menés avec Dassault consistent avec l'IA à bord du cockpit à aider le pilote à analyser au mieux toutes les données pour réagir à toutes les situations. Dans le domaine terrestre, l'IA va nous permettre de déployer davantage de robotique, par exemple pour la détection des mines improvisées. Dans le domaine naval, l'IA va ainsi permettre de robotiser la chasse aux mines.

Faut-il craindre le développement de « robots tueurs » ?

Non, la France a une position très claire : elle ne se lancera pas dans le développement de « robots tueurs », capables de tuer de leur propre initiative. La ministre Florence Parly l'a répété plusieurs fois, l'homme doit rester dans la boucle. L'IA aidera l'homme mais ne le remplacera pas.

Et comment se prémunir face aux activités balistiques de pays de plus en plus menaçants ?

Face à des nations au comportement inquiétant qui respectent de moins en moins les accords internationaux, nous devons nous préparer. Par le passé, plusieurs systèmes d'alerte ont été testés pour surveiller les départs de missiles, comme les satellites Spirale de détection infrarouge ou les radars à très longue portée pour suivre la trajectoire des missiles. Un rapport sur la politique spatiale militaire a été rendu en janvier au président de la République et il devrait en tirer des conclusions.

Détecter un départ de missile, le suivre et, le cas échéant, savoir l'intercepter, réclame des développements capacitaires différents. Faut-il les mener tous ? Seul ou avec les Européens ? Comment conjuguer un système d'alerte avec la dissuasion nucléaire ? Autant de réflexions stratégiques importantes.

Notre politique spatiale militaire doit-elle être complétée dans d'autres domaines ?

La LPM prévoit 3,6 milliards d'euros pour le renouvellement complet de nos satellites optiques, d'écoute électromagnétique et de télécommunication. Il faudra aussi améliorer notre surveillance de l'espace, car le spatial devient un champ de confrontation potentiel entre les différentes puissances. Il faut donc, par exemple, pouvoir discriminer dans l'espace un débris d'un objet potentiellement hostile.

Pour rester dans la course, il n'y a pas d'autre solution que la coopération européenne. Nous avons ainsi proposé aux Allemands de définir ensemble une feuille de route dans le domaine de la surveillance de l'espace. Et nous proposerons ensuite à la Commission européenne des projets réunissant plusieurs Etats pour avoir accès aux financements du futur Fonds européen de défense.

Qui a des capacités de destruction des satellites ?

Les Chinois ont détruit un de leurs propres satellites avec un de leurs missiles pour montrer qu'ils savaient le faire. Les Etats-Unis ont conduit des expériences équivalentes. Rappelons que le budget spatial public des Etats-Unis s'élève entre 50 et 60 milliards de dollars par an, en incluant la Nasa, l'US Air Force et les « black programs ».

L'Europe peut-elle rester dans la course face à de tels montants ?

Pour la première fois, le budget européen va pouvoir contribuer au financement de programmes de défense. Les enjeux sont donc très importants. Il faudra financer de réels besoins. Dans le cadre des actions préparatoires, des premiers contrats seront passés à la fin de l'année 2019 pour une première tranche de financement de 500 millions d'euros. Dans ce cadre, nous soutenons par exemple avec l'Allemagne le financement de l'Eurodrone moyenne altitude longue distance, un projet d'Airbus, Leonardo et Dassault, ou bien le programme Essor de radio logicielle de nouvelle génération, dont Thales est le leader et qui réunit les Allemands, les Belges, les Italiens, l'Espagne et la Suède. L'idée est de faire naître un standard de radio logicielle indépendant et interopérable avec celui de l'Otan. Nous promouvons aussi d'autres projets, par exemple autour des HAPS, High Altitude Pseudo-Satellite, concept qui correspond au ballon Stratobus de Thales et au Zephyr d'Airbus.

Combien va investir la DGA cette année ?

La première mission à la DGA est d'équiper les forces armées le plus efficacement possible. Cette année, nous allons engager 14 milliards d'euros, soit 10 % de plus qu'en 2018, sur plus d'une centaine de programmes d'armement. Premier investisseur public, notre responsabilité est donc très grande. Comme la ministre Florence Parly l'a indiqué, il nous faut « faire mieux avec plus ». C'est pourquoi la DGA veut améliorer ses méthodes d'acquisition, avec des processus moins « linéaires » pour aller vers plus de collaboration entre la DGA, les armées et les industriels dès le stade de la définition des besoins. Nous discutons aussi avec l'industrie pour inclure des clauses de disponibilité dans les contrats ainsi que pour trouver le bon équilibre afin d'obliger chacun à mieux maîtriser les délais et les coûts, et les risques.

Les exportations sont-elles en hausse ?

Il est trop tôt pour avancer un chiffre précis, mais nous devrions atteindre un chiffre comparable à l'année 2017, soit environ 7 milliards d'euros. Il faut garder à l'esprit que cela représente 30 % du chiffre d'affaires de notre industrie de défense et est indispensable pour entretenir les chaînes de production à la cadence nécessaire.

L'an dernier, la DGA a mis au point un nouveau dispositif de soutien à l'exportation avec le contrat Camo négocié avec les Belges. La Belgique nous délègue la gestion du contrat au sein d'un partenariat gouvernemental entre la France et la Belgique. De plus en plus, les pays acheteurs de matériel de défense réclament des garanties en performance et en fiabilité, que seule la DGA peut leur apporter.

Veto américain, gel allemand, la France n'a-t-elle pas de plus en plus de mal à exporter son matériel de défense ?

Pour limiter notre exposition aux réglementations étrangères qui peuvent contraindre nos exportations d'armements, quand ceux-ci contiennent des composants de pays tiers, nous menons, sur certains composants stratégiques, une politique de souveraineté européenne que nous défendons dans le contexte du Fonds européen de défense.

Et à l'échelon européen, je souhaite que nous nous mettions d'accord sur les règles d'exportation des matériels développés en commun, notamment entre la France et l'Allemagne. Les accords Debré-Schmidt, qui permettent à chacun d'exporter selon sa réglementation nationale, sont une excellente source d'inspiration et doivent être actualisés.

A l'heure où nous développons des programmes ambitieux en coopération franco-allemande, notamment pour le système de combat aérien du futur et le char du futur, il est urgent de trouver des règles du jeu communes. Les lettres d'intention signées par les ministres de la défense française et allemande en octobre 2018 sur ces deux programmes contiennent déjà une clause d'exportabilité. Elle doit être améliorée, développée et précisée dans les prochains contrats qui seront conclus en juin pour un démonstrateur d'avion de combat et le démonstrateur du moteur du futur.

https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/0600724272068-grand-entretien-avec-joel-barre-delegue-general-pour-larmement-2248854.php

On the same subject

  • Pentagon, EU ready pact to spur defense cooperation — with exceptions

    February 6, 2023 | International, Other Defence

    Pentagon, EU ready pact to spur defense cooperation — with exceptions

    The document envisages as “specific activities” the areas of military mobility, supply chain problems and the impact of climate change on defense.

  • Thales et Weibel Scientific concluent un accord de coopération

    September 29, 2021 | International, C4ISR

    Thales et Weibel Scientific concluent un accord de coopération

    Thales et Weibel Scientific ont signé hier un accord visant à travailler sur les nouveaux radars de haute performance Xenta, conçus pour les missions terrestres à courte portée. Formalisée en présence de la ministre des Armées française et de son homologue danois, cette coopération confirme le positionnement international de Thales dans ce domaine et la supériorité des radars Doppler de Weibel qui se conjuguent pour offrir le meilleur produit du marché. Elle renforcera les activités des deux partenaires en leur ouvrant de nouvelles opportunités à destination des forces armées. Cette nouvelle collaboration instaurée entre Thales et Weibel Scientific pose un nouveau jalon dans les futures relations commerciales européennes entre les industriels de la défense danois et français, et confirme la nouvelle stratégie de l'industrie de la défense danoise. « Avec l'intégration des radars Doppler de pointe de Weibel Scientific, Thales, qui figure parmi les leaders des solutions de défense, renforcera son portefeuille dans le segment terrestre à courte portée. Nous sommes ravis de cette opportunité de développer notre expertise commune au service de nos clients », déclarait Serge Adrian, vice-président exécutif des activités Radars de surface chez Thales.

  • Elbit Systems Introduces a UAS-Based Long-Range Maritime Rescue Capability

    May 13, 2020 | International, Aerospace

    Elbit Systems Introduces a UAS-Based Long-Range Maritime Rescue Capability

    Haifa, Israel, 7 May, 2020 – Elbit Systems introduces a unique life saving capability to its Hermes 900 Maritime Patrol Unmanned Aircraft System (UAS). Integrating detection and identification capabilities, onboard inflated life-rafts, and precision dispatch capability, enables the UAS to perform long-range maritime Search and Rescue (SaR) missions. Such a configured Hermes 900 Maritime Patrol UAS was recently delivered to an undisclosed customer in South-East Asia. Adverse weather conditions and short endurance significantly degrade the SaR capabilities of manned aircraft, often preventing them from executing their missions. Capable of more than 24 hours of continuous flight, the Hermes 900 Maritime Patrol can operate in adverse weather conditions in both day and night. Equipped with the new SaR capability the UAS can increase the number of SaR missions that can be safely executed and improve the safety and effectiveness of maritime SaR response. The Hermes 900 Maritime Patrol can carry up to four, six-person life-rafts that are integrated on its wings. Using an onboard maritime radar the UAS detects survivor situations. Upon detection the UAS' Electro-Optic/Infra-Red (EO/IR) payload is deployed to provide visual identification, and a rapid calculation of the drop-point is performed, enabling the UAS to dispatch life rafts from a low-altitude of 600ft to a pin-pointed location at a safe distance from the survivors. A gradual inflation process of the life-rafts is initiated after dispatch and is completed upon landing. The Hermes 900 Medium Altitude Long Endurance UAS is operational with Israeli Air Force since 2015 and was selected by numerous customers including Switzerland, the UK, Brazil, Mexico, and Chile, the EU and the UN, and countries in South-East Asia. Click to watch the Hermes 900 Maritime Patrol UAS flying with life rafts About Elbit Systems Elbit Systems Ltd. is an international high technology company engaged in a wide range of defense, homeland security and commercial programs throughout the world. The Company, which includes Elbit Systems and its subsidiaries, operates in the areas of aerospace, land, and naval systems, command, control, communications, computers, intelligence surveillance and reconnaissance (“C4ISR”), unmanned aircraft systems, advanced electro-optics, electro-optic space systems, EW suites, signal intelligence systems, data links and communications systems, radios and cyber-based systems and munitions. The Company also focuses on the upgrading of existing platforms, developing new technologies for defense, homeland security and commercial applications and providing a range of support services, including training and simulation systems. For additional information, visit: https://elbitsystems.com/, follow us on Twitter or visit our official Facebook, Youtube and LinkedIn Channels. Visit our Press Relations website for background materials and information regarding Elbit Systems fields of activity. David Vaaknin Vice President, Head of Corporate Communications Tel: 972-77-2946691 Cell: 972-52-8000403 E-Mail: david.vaaknin@elbitsystems.com Dana Tal-Noyman Manager International Corporate Communications Tel: 972-77-294-8809 Cell: 972-54-9998809 E-Mail: dana.tal@elbitsystems.com This press release may contain forward‑looking statements (within the meaning of Section 27A of the Securities Act of 1933, as amended, Section 21E of the Securities Exchange Act of 1934, as amended and the Israeli Securities Law, 1968) regarding Elbit Systems Ltd. and/or its subsidiaries (collectively the Company), to the extent such statements do not relate to historical or current facts. Forward-looking statements are based on management's current expectations, estimates, projections and assumptions about future events. Forward‑looking statements are made pursuant to the safe harbor provisions of the Private Securities Litigation Reform Act of 1995, as amended. These statements are not guarantees of future performance and involve certain risks, uncertainties and assumptions about the Company, which are difficult to predict, including projections of the Company's future financial results, its anticipated growth strategies and anticipated trends in its business. Therefore, actual future results, performance and trends may differ materially from these forward‑looking statements due to a variety of factors, including, without limitation: scope and length of customer contracts; governmental regulations and approvals; changes in governmental budgeting priorities; general market, political and economic conditions in the countries in which the Company operates or sells, including Israel and the United States among others; changes in global health and macro-economic conditions; differences in anticipated and actual program performance, including the ability to perform under long-term fixed-price contracts; changes in the competitive environment; and the outcome of legal and/or regulatory proceedings. The factors listed above are not all-inclusive, and further information is contained in Elbit Systems Ltd.'s latest annual report on Form 20-F, which is on file with the U.S. Securities and Exchange Commission. All forward‑looking statements speak only as of the date of this release. Although the Company believes the expectations reflected in the forward-looking statements contained herein are reasonable, it cannot guarantee future results, level of activity, performance or achievements. Moreover, neither the Company nor any other person assumes responsibility for the accuracy and completeness of any of these forward-looking statements. The Company does not undertake to update its forward-looking statements. Elbit Systems Ltd., its logo, brand, product, service and process names appearing in this Press Release are the trademarks or service marks of Elbit Systems Ltd. or its affiliated companies. All other brand, product, service and process names appearing are the trademarks of their respective holders. Reference to or use of a product, service or process other than those of Elbit Systems Ltd. does not imply recommendation, approval, affiliation or sponsorship of that product, service or process by Elbit Systems Ltd. Nothing contained herein shall be construed as conferring by implication, estoppel or otherwise any license or right under any patent, copyright, trademark or other intellectual property right of Elbit Systems Ltd. or any third party, except as expressly granted herein. View source version on Elbit Systems: https://elbitsystems.com/pr-new/elbit-systems-introduces-a-uas-based-long-range-maritime-rescue-capability/?pageid=PR%20-20%20News

All news